Talos, 480 pages, 2018, Fantasy
Une bonne expérience de lecture avec ce roman lent et plein d’idées qui se mettent tout doucement en place. Malgré le titre qui pourrait faire penser à de la fantasy flashy avec des assassins, on est plus sur une fantasy orientale dans le genre de celle de Guy Gavriel Kay. Le livre n’est pas si long que ça pour un fantasy, mais il se lit vraiment lentement, comme si il en faisait le double. Et ça n’est pas du tout un reproche mais plus une conséquence du fait qu’on aime profiter de l’excellent style en prenant son temps.
Pour ce qui est de l’univers on le découvre vraiment petit à petit quand les informations tombent naturellement pour les personnages. On n’a pas d’exposé du monde ou d’explications, on est vraiment plongé dedans sans rien en savoir au début. Du coup tout ce qu’on en sait dessus est limite un spoil et donc je ne vais pas m’attarder dessus pour laisser la découverte, qui fait vraiment parti du plaisir, à ceux qui voudraient le lire.
Kandri est un soldat dans l’armée de la révélation de la Prophète. Il arrive bien à faire semblant. car en fait il ne croit pas vraiment dans cette religion, même si il respecte les règles en apparence pour ne pas se faire remarquer. Il vit sa vie tranquille dans le camp principal de la prophète.
Par contre son frère Mektu a beaucoup plus de mal. Il est également soldat dans le même camp.
On le traite de fou, de stupide, et les gens n’aiment pas le côtoyer. D’ailleurs depuis quelques temps il parle à demi mot de déserter, ce qui effraye Kandri car il sait qu’ils n’ont aucune chance contre les forces de la prophète et que rien que le fait d’en parler peut signer leur arrêt de mort.
La prophète est une femme qui a eu 11 enfants et qui les adore. Du coup elle les laisse faire ce qu’ils veulent. Son fils préféré est son troisième. Mais ce qu’elle fait semblant d’ignorer est le fait que celui ci est un fou furieux qui viole et assassine toutes les femmes qu’il juge intéressantes. Et ses goûts sont variés.
Un jour, alors qu’il est dans le village proche de la ou leur camp est installé, Kandri sauve une enfant en train d’être violée en tuant l’homme qui avait commencé son affaire. Mais ce qu’il ignorait avant de l’avoir tué est le fait que cet homme était le troisième fil sacré de la prophète …
Kandri embarque son frère et voila les deux parti pour la fuite de leur vie.
Bon. Ça c’est vraiment l’histoire basique. Parce qu’en fait il y a plein d’autres éléments par dessus. Comme par exemple le fait que leur continent est un continent épargné par la pire épidémie que le monde ai jamais vu. Une maladie qui tue une personne sur 7 ailleurs, mais seulement une personne sur 8000 ici. Ou le fait que les peuples de la zone sont organisés en Clans et que la Prophète est celle qui a libéré le Clan des héros de celui qui l’avait réduit en esclavage depuis des générations.
Toute la zone est une ruine d’anciennes civilisations qui se sont effondrées ce qui donne un petit coté post-apocalyptique aussi à l’ensemble
La première épreuve des deux frères est de traverser la « mer perdue ». Qui est exactement ce que son nom indique, une ancienne mer intérieure qui c’est totalement asséchée. Celle ci était parsemée d’îles et d’îlots. Ceux ci sont maintenant des montagnes aux parois abruptes qu’il est pratiquement impossible de rejoindre, sur lesquelles trônent des ruines de villes, citadelles ou ports abandonnés.
Certains villes côtières encore reliée au reste du monde se sont progressivement transformées en ville de passage pour les zones autour, mais peu ont survécu.
Un des points que j’ai le plus aimé est la relation entre les deux frères.
Notre héros, Kandri, ne sait pas quoi faire de son frère. En fait leur relation est très disproportionnée. Parce que Mektu adore son frère et fera tout pour le sauver. Il le prouve a de nombreuses reprises. Mais les manières qu’il met en place pour atteindre son but ne sont souvent pas du tout au gout de Kandri.
En fait pour Kandri son frère est limite plus un fardeau qu’il traîne qu’un atout.
Mais Mektu est bien plus intelligent qu’il ne le laisse paraître. Il ne fait finalement que jouer au con. Malheureusement Kandri ne le sait pas et du coup il est partagé entre l’ennui et l’exaspération vis à vis de ce frère qu’il doit fréquenter et dont il doit s’occuper et empêcher de faire des conneries. Il se sent responsable de son frère.
Il faut savoir que Mektu a toujours voulu devenir un artiste, notamment acteur, en montant sa troupe de théâtre. Et c’est à cause de Kandri qu’il n’a jamais pu le faire, car il a été contraint de faire des choses interdites pour le sauver.
Du coup cette réputation de « mec bizarre » lui colle à la peau. Et il en joue à fond, posant ouvertement les questions dont tout le monde voudrait les réponses mais que personne n’ose poser par exemple, ce qui passe parce qu’on est gentil avec le débile du coin par exemple.
Ce personnage est vraiment progressivement passé de boulet à totalement fascinant au fil du texte. Sans doute un des retournement les plus intéressant du livre en ce qui me concerne.
Le roman est vraiment centré sur la relation entre Kandri et Mektu. Tout les non-dits de ces personnages habitués à garder leurs sentiments pour eux et à faire bonne figure dans ce monde ou ils n’ont pas leur mot à dire, et où parler ouvertement peut provoquer une mort douloureuse et évitable. Du coup il y a plein de fois ou on regrette un peu leur jalousie et les petits maux qui fragilisent leur relation alors qu’ils n’auraient pas lieu d’être si ils s’exprimaient enfin.
Mais leur relation évolue petit à petit et j’ai beaucoup aimé les voir changer.
Je pourrais continuer pendant de nombreux paragraphe à vous détailler la relation vraiment complexe et pleine de sous-entendus entre les deux personnages, mais je pense que j’en ai déjà dit assez.
C’est vrai que ça n’a pas été une lecture très facile au début, parce que la mythologie n’est pas vraiment très claire pour nous. On est vraiment plongé directement dans ce monde en suivant des personnages qui n’évoquent pas leur passé ou ce qui leur est familier juste pour nous l’expliquer.
Ce qui était bien c’était du coup qu’on découvre pas mal de chose au fil du temps.
L’avantage de cette façon de faire c’est que l’ensemble a vraiment un coté mystérieux ce qui lui donne une ambiance assez spéciale pour un fantasy.
C’est vraiment un roman qui prend son temps. On est sur de la fantasy/aventure à l’ancienne. Pas de politique, pas de guerriers, juste deux jeunes hommes normaux accompagnés par d’autres personnes qui croisent leur route, qui tentent de survivre dans ce monde désertique, âpre, qui ne leur fera pas de cadeau, en étant poursuivi par les troupes spéciales de la prophète.
N’entrez pas dedans en espérant un roman plein d’action, ou une intrigue vraiment complexe. Ici tout est basé sur les personnages, l’ambiance et la découverte progressive de la complexité du monde, le tout en prenant son temps pour nous expliquer plus en détail la situation. Il y a encore pas mal de points qu’on ne comprend pas et qui seront surement expliqué dans les prochains tomes.
Dans l’ensemble j’ai passé un bon moment. Je ne m’attendais pas à trouver un style si maîtrisé et à mettre autant de temps à le lire, mais ça n’a fait que me donner plus de raisons de l’apprécier !
Je vous laisse le première paragraphe du livre pour vous donner une idée du style :
By the third day the rumour can no longer be contained. It is whispered in the black tents, shared like smokes among the men on patrol, murmured in the drill yard before the bellowed morning prayer. It is weird and horrific and yet a curse no one can fail to understand. Someone’s mind has been stolen, and the thief still walks the camp.
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